Je sentis avant de penser : c'est le sort commun de l'humanitÊ. Je l'Êprouvai plus qu'un autre. J'ignore ce que je fis jusqu'a cinq ou six ans; je ne sais comment j'appris a lire; je ne me souviens que de mes premieres lectures et de leur effet sur moi : c'est le temps d'ou je date sans interruption la conscience de moi-meme. Ma mere avait laissÊ des romans. Nous nous mÎmes a les lire apres souper, mon pere et moi. Il n'Êtait question d'abord que de m'exercer a la lecture par des livres amusants; mais bientôt l'intÊret devint si vif, que nous lisions tour a tour sans relâche, et passions les nuits a cette occupation. Nous ne pouvions jamais quitter qu'a la fin du volume. Quelquefois mon pere, entendant le matin les hirondelles, disait tout honteux : ?Allons nous coucher; je suis plus enfant que toi.?